L'hypnose de spectacle est un phénomène fascinant qui attire l'attention de nombreux curieux, y compris les scientifiques, depuis plus de cent ans [1]. Cependant, derrière le rideau de l'amusement et du divertissement, se cachent des enjeux éthiques et des risques potentiels pour les participants. Une loi belge interdit à juste titre l'hypnose de spectacle (loi du 30 mai 1892), et a amené les autorisés à annuler un spectacle en 2017 [2]. Dans cet article, nous allons explorer la balance bénéfice/risque de l'hypnose de spectacle, en nous basant sur une revue Pubmed.
Qu'est-ce que l'hypnose de spectacle ?
L'hypnose de spectacle est une forme d'hypnose utilisée principalement pour divertir un public. Contrairement à l'hypnose thérapeutique, qui vise à aider les individus à surmonter des problèmes personnels et à soulager la douleur et l'anxiété, l'hypnose de spectacle se concentre sur la performance et le divertissement. Elle implique souvent des démonstrations spectaculaires et mystérieuses où les participants semblent perdre le contrôle de leurs actions sous l'influence de l'hypnotiseur.
Pour les professionnels de santé, une des règles fondamentales est "Primum non nocere", qui signifie avant toute chose, éviter de faire du mal aux patients. Pour cela, dans la méthode d'hypnose ericksonienne, et durant la formation en hypnose médicale et thérapies brèves, nous posons un cadre éthique très clair pour chaque praticien, qui interdit formellement toute pratique de l'hypnose à visée de divertissement [3].
Bénéfices pour le public qui regarde le spectacle d'hypnose
Les spectacles d'hypnose sont souvent perçus par les membres du public comme amusants et captivants, offrant une expérience unique aux spectateurs, et leur apportant une réduction d'anxiété [4,8]. En revanche, la même étude n'a retrouvé aucune amélioration de l'état émotionnel des 6 personnes qui étaient montées sur scène. Cela nécessiterait au minimum un consentement éclairé plus étoffé des participantes et participants qui prêtent leur corps et leur esprit à l'expérience.
Effets secondaires pour les participants à la transe sur scène
Plusieurs situations ont été décrites lorsque les sujets sur scène de spectacle ont vécu l'état d'hypnose de façon néfaste pour eux.
Absence de bénéfices émotionnels
Les participants sur scène ne retireraient pas de bénéfice émotionnel de l'expérience [4] (à l'inverse du public qui s'amuse et se détend) et peuvent même ressentir des effets négatifs. Des cas de décompensation dissociative, y compris psychotique, de syndromes anxieux et dépressifs ont été rapportés chez certains participants, soulignant les dangers potentiels de l'hypnose de spectacle.
Risques physiques et psychologiques concrets
Une participante de 19 ans aurait déclenché un syndrome anxiodépressif une semaine après un spectacle d'hypnose utilisant des techniques rapides (manipulation du cou, régression à un âge jeune et "redevenir un bébé qui pleure pour sa mère"). Elle a pu obtenir la condamnation de l'hypnotiseur de spectacle : reconnu coupable de négligence et d'agression, et condamné à une indemnisation [5].
Un vétéran âgé de 35 ans sans antécédents psychiatriques a subi la décompensation d'un épisode psychotique aigu le soir même d'un spectacle d'hypnose, un an après sa blessure de guerre [6]. Une autre personne a souffert d'une décompensation délirante activée suite à une hypnose de spectacle, et réactivée deux mois plus tard en revoyant l'hypnotiseur de spectacle [10]. Nous rappelons que les personnes souffrant de psychose sont fragiles et ont besoin de douceur, contenance et réassociation, plutôt que de dissociation, leur esprit étant déjà assez désorganisé par la maladie.
Une personne ayant subi une hypnose rapide, sans prise en compte de son histoire de vie, a réactivé des souvenirs traumatiques de la seconde guerre mondiale, quand elle était cachée chez des résistants. L'hypnotiseur lui avait suggéré de retourner à un âge jeune. Elle a déclenché des signes aigus de stress post-traumatique [7].
Milton Erickson a publié quelque cas observés, où, 5 à 7 mois après une catalepsie du corps entier sur scène (corps allongé entre deux chaises), les personnes développaient des lombalgies (douleurs du dos) [14].
Lors d'une enquête chez 22 participants à un show d'hypnose, la plupart on trouvé cela positif et agréable. Cinq personnes ont toutefois développé une amnésie dissociative de l’expérience, qui est en général un mécanisme de protection psychologique pour mettre de côté des expériences peu agréables. De plus, cinq personnes avaient la conviction que l’hypnotiseur avait pris le contrôle de leur corps [8]. Une autre enquête auprès de 8 sujets ayant participé à la fois à de l'hypnose de spectacle et à de l'hypnose pour les soins a retrouvé des différences entre les deux pratiques. L’hypnotiseur de spectacle aurait eu un style sensationnel qui veut montrer quelque chose d’extraordinaire, et fait des ordres, alors que les professionnels de santé hypnopraticiens auraient été plutôt posés, calmes, et factuels durant la consultation, et faisaient des suggestions [9].
Relation de manipulation et domination
Les hypnotiseurs de spectacle peuvent exercer une influence excessive sur les participants, comme une fureur de fasciner à tout prix, ce qui peut être déshumanisant et entraîner des clivages au sein des groupes, ou à l'inverse un mouvement de foule de type fascination inadaptée (admiration). Dans une étude avec 202 sujets, 105 provenant d’un show, 52 venant d’un cours sur l’hypnose, et 48 ayant été refusés à un show car il n'y avait plus de place, et servant de témoins, les auteurs retrouvaient [11] : les personnes ayant eu un cours d'hypnose avaient moins l’impression que la personne en hypnose est un robot, vs. ceux qui ont été témoins du show qui croyaient davantage que le sujet devient un robot. D'autres auteurs jugent également la balance bénéfice/risque de l'hypnose de spectacle en défaveur pour les sujets hypnotisés [12,13].
Considérations éthiques
L'hypnose de spectacle soulève donc des questions éthiques importantes, notamment en ce qui concerne l'utilisation des individus comme objets de divertissement. Des lois de bioéthique existent pour protéger la population française, depuis 1994, mais le débat sur le sujet de l'hypnose reste actif. Historiquement, des figures médicales comme Charcot et de la Tourette auraient déjà proposé de restreindre l'hypnose aux professionnels de santé, il y a plus de cent ans, soulignant l'importance de l'éthique dans cette pratique [1, 12]. Nous rappelons deux principes en médecine : "primum non nocere", et le consentement éclairé avant toute intervention.
Conclusion
En conclusion, la balance bénéfice-risque de l'hypnose de spectacle semble pencher en défaveur pour les participants sur scène, tout en offrant un certain plaisir anxiolytique au public.
Nous préférons privilégier des relations humaines basées sur la coopération et la confiance, comme c'est le cas dans l'hypnose thérapeutique. Ça suffit, les relations humaines motivées par la performance, la domination, ou la soumission.
Les professionnels de santé doivent rester vigilants quant aux implications éthiques de l'hypnose et s'assurer que les pratiques respectent les normes les plus strictes.
Pour en savoir plus sur l'hypnose et ses applications, n'hésitez pas à consulter des sources fiables et à vous informer auprès de professionnels de santé qualifiés.
Q: Quels sont les bénéfices potentiels de l'hypnose de spectacle pour le sujet ?
R: L'hypnose de spectacle peut offrir des bénéfices tels que la relaxation pour le public, mais pas pour les sujets de l'hypnose, même si on dirait que la personne passe un bon moment, cela n'a jamais été documenté scientifiquement. De plus, ces expériences ne remplacent pas les traitements thérapeutiques professionnels proposés par des hypnothérapeutes qualifiés, professionnels de santé.
Q: Quels dangers l'hypnose de spectacle peut-elle présenter pour le sujet ?
R: L'hypnose de spectacle peut être vécue comme embarrassante ou humiliant pour certains participants, surtout si elle est utilisée pour divertir à leurs dépens. De plus, sans la supervision d'un hypnothérapeute professionnel, il existe un risque de séquelles psychologiques.
Q: Comment les hypnothérapeutes professionnels perçoivent-ils l'hypnose de spectacle ?
R: De nombreux hypnothérapeutes considèrent l'hypnose de spectacle avec prudence, car elle peut donner une image erronée de l'hypnose thérapeutique. Ils soulignent l'importance de distinguer entre le divertissement et les pratiques thérapeutiques sérieuses.
Q: L'hypnose de spectacle peut-elle être utilisée à des fins thérapeutiques ?
R: Non, l'hypnose de spectacle n'est pas conçue pour des fins thérapeutiques. Pour des traitements sérieux, il est recommandé de consulter un hypnothérapeute à Paris, qui est une/un professionnel de santé !
Q: Quelle est la différence entre l'hypnose de spectacle et l'hypnose thérapeutique ?
R: L'hypnose de spectacle est principalement destinée au divertissement et ne suit pas les protocoles thérapeutiques. En revanche, l'hypnose thérapeutique, pratiquée par des thérapeutes formés, vise à traiter les troubles psychologiques et physiques, en complément des autres thérapeutiques mises en place.
Q: Comment la Confédération Francophone de l'Hypnose et des Thérapies Brèves voit-elle l'hypnose de spectacle ?
R: La Confédération Francophone de l'Hypnose et des Thérapies Brèves, l'institut Emergences *, et la Société Internationale d'Hypnose mettent en garde contre l'utilisation de l'hypnose de spectacle comme substitut à des traitements professionnels, soulignant l'importance de consulter des professionnels qualifiés pour des besoins thérapeutiques.
* : liens d'intérêt avec l'institut Emergences, en tant qu'enseignant et responsable pédagogique ; membre de la Société Internationale d'Hypnose.
Sources bibliographiques
[1] Graus A. Hypnosis lessons by stage magnetizers: Medical and lay hypnotists in Spain. Notes Rec R Soc Lond. 2017 Jun 20;71(2):141-56. doi: 10.1098/rsnr.2017.0009. PMID: 30125056
[2] https://www.rtl.be/art/info/belgique/societe/l-hypnose-de-spectacle-presente-t-elle-des-risques-il-y-a-un-danger--972054.aspx
[3] https://www.hypnoses.com/qui-sommes-nous/notre-charte-ethique
[4] MacKillop J, Jay Lynn S, Meyer E. The impact of stage hypnosis on audience members and participants. Int J Clin Exp Hypn. 2004 Jul;52(3):313-29. doi: 10.1080/0020714049052353. PMID: 15370360.
[5] Damages against stage hypnotist. Br Med J. 1952 Apr 12;1(4762):823-4. PMID: 14916161.
[6] Wain HJ, Dailey J. A dissociative episode following stage hypnosis in a combat-injured soldier: implications, treatment and reflections. Am J Clin Hypn. 2010 Jan;52(3):183-8. doi: 10.1080/00029157.2010.10401718. PMID: 20187337.
[7] Kleinhauz M, Dreyfuss DA, Beran B, Goldberg T, Azikri D. Some after-effects of stage hypnosis: a case study of psychopathological manifestations. Int J Clin Exp Hypn. 1979 Jul;27(3):219-26. doi: 10.1080/00207147908407563. PMID: 541135.
[8] Crawford HJ, Kitner-Triolo M, Clarke SW, Olesko B. Transient positive and negative experiences accompanying stage hypnosis. J Abnorm Psychol. 1992 Nov;101(4):663-7. doi: 10.1037//0021-843x.101.4.663. PMID: 1430605.
[9] Echterling LG. Contrasting stage and clinical hypnosis. Am J Clin Hypn. 1988 Apr;30(4):276-84. doi: 10.1080/00029157.1988.10402750. PMID: 3364391.
[10] Allen DS. Schizophreniform psychosis after stage hypnosis. Br J Psychiatry. 1995 May;166(5):680. doi: 10.1192/bjp.166.5.680a. PMID: 7620761.
[11] Echterling LG, Whalen J. Stage hypnosis and public lecture effects on attitudes and beliefs regarding hypnosis. Am J Clin Hypn. 1995 Jul;38(1):13-21. doi: 10.1080/00029157.1995.10403173. PMID: 8533735.
[12] Mott T Jr. Untoward effects associated with hypnosis. Psychiatr Med. 1992;10(4):119-28. PMID: 1289957.
[13] Meeker, W. B., & Barber, T. X. (1971). Toward an explanation of stage hypnosis. Journal of Abnormal Psychology, 77(1), 61–70. doi: 10.1037/h0030419
[14] Erickson, Milton H. 1962. Stage Hypnotist Back Syndrome. American Journal of Clinical Hypnosis 5 (2): 141–42. doi:10.1080/00029157.1962.10402279.